Cet interview a été réalisé par Lou- Ange Boyat dans le cadre de l’exposition Suivre la trace.
Portrait d’artiste – Johann Fournier. Le 1er octobre 2023, Orangerie du Parc de la Tête d’Or, Lyon
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Lou-Ange BOYAT : La première chose que tu as fait ce matin ?

Johann FOURNIER : Mes journées se terminent très tard, vers deux heures du matin. La dernière chose que j’ai faite, mais qui devient la première du jour, c’est de regarder mes productions de la journée.

L-A. B : C’est un travail d’introspection.

J.F : Oui, pour voir ce qui en ressort.

L-A. B : Est-ce que tu écoutes de la musique en créant ?

J.F : Oui, j’écoute de la musique en travaillant, absolument tout le temps. C’est même un outil d’émancipation et de voyage cosmique. J’écoute de la musique baroque, pas mal de musique minimaliste, de compositeurs contemporains de musique classique, mais également du jazz, de l’électro…cela dépend vraiment de mon humeur.

L-A. B : c’est donc très éclectique !

J.F : Oui, très éclectique et pointu. Sur mon site, sous chacune des images que je poste depuis 2002, il y a une référence musicale.

L-A. B : Est-ce que des artistes ou des œuvres t’inspirent à créer ?

J.F : Oui, surtout de la littérature, la musique et du cinéma. Je peux autant te citer Deleuze, Spinoza, Pierre Michon, que des gens qui font de la musique électro. Cependant, quand je trouve quelque chose qui peut rentrer dans mon processus créatif, je vais essayer de l’intégrer.

L-A. B : Comment naît ton processus créatif et est-ce que tu pourrais le nommer ?

J.F : Cela peut varier selon le jour où on me pose la question ! J’ai un rituel de création : je pars une ou deux heures par jour marcher dans mon environnement proche. C’est un processus d’appropriation et de distanciation du réel. J’essaie d’arriver à un moment où je réfléchis tellement que je ne suis plus vraiment présent, en tant qu’individu. Cela me permet de créer une vision alternative du monde.

L-A. B : Est-ce que tu as de futurs projets ?

J.F : Tout le temps ! J’ai à peu près deux à trois ans d’avance dans mes projets. Je travaille en ce moment beaucoup sur les vidéos, mais également à l’écriture de ma première monographie, qui sera publiée l’année prochaine. Je travaille également comme scénographe pour la danse et le théâtre.

L-A. B : Le hasard a-t-il une place dans ta vie d’artiste ?

J.F : Oui, pas mal, et je pense qu’il faut rendre grâce à cela. Je ne crois pas au destin, donc je crois beaucoup au hasard. Par exemple, rien ne me destinait à tout ça. J’ai commencé à créer à seize, dix-sept ans dans ma chambre, et j’ai posté cela sur Internet. Je ne venais pas d’une famille d’artistes, et j’ai été repéré par des artistes qui m’ont demandé d’exposer. Je n’y connaissais rien du tout ! J’ai exposé en Belgique en faisant croire que tout était normal, alors que je n’étais jamais allé dans une exposition. Je crois aux opportunités. Il faut saisir sa chance.

L-A. B : D’où viens-tu et est-ce que tu penses que cela a eu un impact sur ta création artistique ?

J.F : Intéressant, car cela va avec la polysémie et la multiplicité qui émane de tout ce que j’ai pu raconter. Je suis né dans le nord de la France, mais j’ai grandi dans le sud, et je suis né d’une famille créole réunionnaise. Je considère que j’ai trop d’origines pour venir de quelque part en particulier. J’ai grandi avec une fréquentation de paysages ruraux, insulaires ou urbains. Quand je parlais de dissociation, je pense que ces éléments m’ont permis d’appartenir à plusieurs niveaux de réalité.

Site Web de l’artiste Johann Fournier